Meiji Tenno
Celui que le monde connaît aujourd’hui sous le nom de l’Empereur Meiji est un personnage aux multiples facettes, si différentes parfois qu’elles peuvent sembler contradictoires, en apparence.
En effet, il fut à la fois un promoteur extraordinaire de l’essor du Japon, fervent partisan de sa réouverture à l’Occident, afin d’en intégrer les avancées technologiques, et un ardent défenseur des valeurs traditionnelles de son pays, redonnant au Shinto (religion originelle du Japon) sa place de religion nationale, et exigeant la séparation claire entre bouddhisme et shintoïsme, les deux traditions se mêlant largement dans l’archipel depuis l’introduction du bouddhisme au Japon au 9eme siècle.
L’Empereur Meiji révolutionna la vie de son pays. Depuis des siècles, le Japon était gouverné par des guerriers, et l’Empereur n’avait plus qu’une fonction de cérémonie. Meiji reprit les rênes du pouvoir, et commença à importer les coutumes occidentales. C’est à lui que le Japon doit son entrée dans le monde moderne
Nakazono Sensei
Mais l’Empereur était, au-delà de toute ses actions visibles, le Tenno, le « fils du Ciel », le 122eme descendant d’Amaterasu no Kami, la déesse solaire (rappelons à ce sujet que si le drapeau japonais représente le disque solaire, c’est en hommage à cette divinité). A ce titre, il était porteur de tout l’enseignement spirituel transmis depuis 122 générations dans la maison impériale.
Et c’est à ce titre qu’il eut la lourde tâche d’oeuvrer (secrètement) toute sa vie durant à la désoccultation du principe de Kototama. Ce qui fut la tâche de toute une vie transparut aux yeux du plus grand nombre uniquement par le fait qu’il écrivit plus de 100 000 waka (poèmes de 31 syllabes), marquant ainsi de façon visible toute la grandeur de sa dimension intérieure, mais d’une façon qui ne pourrait être déchiffrée que par les initiés.
On peut donc parler de deux empereurs : l’empereur historique, et le Tenno, le « fils du Ciel » chargé de réaliser une mission divine.
Je me propose dans cette page de vous faire découvrir les deux…
1. L’empereur historique
L’empereur Mutsuhito est né le 3 novembre 1852. 122eme empereur du Japon, il accède au trône en 1867, à l’âge de 15 ans, et inaugure l’ère Meiji, nom prestigieux que l’empereur prendra à sa mort, en 1912.
L’empereur Mutshuhito : de la naissance au trône (1852 – 1867)
A sa naissance, le Japon était encore un pays isolé du reste du monde, préindustriel et féodal dirigé par les Shoguns (ou maire du Palais) de la famille Tokugawa qui exerçaient une dictature militaire selon le Daimyo, un ensemble de règles féodales. Mutsuhito est le fils de l’empereur Kōmei et de la dame Nakayama Yoshiko, fille du seigneur Nakayama Tadayasu. Originellement appelé Prince Sachi, le futur empereur a passé la plupart de son enfance dans la famille des Nakayama à Kyoto, comme il était coutume de confier l’éducation des enfants impériaux aux familles proéminentes de la cour. Le 11 juillet 1860, il est adopté par la principale épouse de l’empereur Kōmei, Asako Nyōgō et reçoit le nom de Mutsuhito ainsi que le titre de Kotashi (ou prince couronné).
Le 11 janvier 1867, Mutsuhito se marie avec la Dame Haruko (1849-1914), fille du seigneur Ichijō Tadaka. Elle est la première épouse impériale à recevoir le titre de kogo, littéralement épouse de l’empereur, et ainsi, la première à jouer un rôle public. Cependant, elle n’aura pas d’enfant de Mutsuhito. Le jeune prince aura quinze enfants avec cinq dames officielles. Seuls cinq de ces quinze enfants atteindront l’âge adulte : le prince couronné Yoshihito et les quatre princesses Masako, Fusako, Nobuko et Toshiko.
Afin de comprendre l’accession au trône de Mutsuhito, il convient de revenir quelques années en arrière. En juillet 1853, les « bateaux noirs » américains de l’amiral Perry envahissent la baie de Edo et en 1858, les États-Unis obligent le Japon à signer un traité commercial leur ouvrant ainsi les ports japonais jusqu’alors fermés aux navires occidentaux. De tels accords commerciaux suivront avec la Grande Bretagne, la Russie, la Hollande et la France. Ces bouleversements perturbent l’économie du Japon, le malaise social s’installe peu à peu et de violents conflits entre deux courants, conservateurs et réformistes, éclatent. L’agitation est telle que le Shogun Yoshinobu, exerçant toujours le pouvoir, doit y renoncer et remettre ses pouvoirs au jeune empereur Mutsuhito âgé de 15 ans. Ainsi, le 19 novembre 1867, le nouvel empereur Mutsuhito accède au trône et met fin à sept siècles de régime féodal dont deux siècles et demi dirigés par la famille des Tokugawa. Commence alors l’ère Meiji aussi appelée restauration Meiji.
L’ère Meiji (1868 – 1912)
L’ère Meiji signifie « gouvernement éclairé » et désigne une période de réformes radicales permettant ainsi au Japon de sortir de son autocratie, de se tourner vers l’Occident, de s’industrialiser et de transformer son système socio-économique.
L’abolition du shogunat en 1867 et de la féodalité en 1868 marque le début de l’ère Meiji. Cette période commence par l’installation de l’empereur Mutsuhito et de sa cour à Edo qu’il rebaptisera Tokyo (ou capitale de l’Est). La capitale japonaise est donc transférée de Kyoto à Tokyo. En avril 1868, L’empereur Mutsuhito promulgue la Charte des 5 articles, qui fait état du nouveau gouvernement abolissant le féodalisme et proclamant un gouvernement moderne et démocratique. C’est le coup d’envoi d’une vague de réformes radicales, largement inspirées des mœurs et des institutions européennes, dont l’objectif est de rattraper le retard du Japon face à l’Occident.
Les principales réformes
L’empereur Mutsuhito abolit tous les privilèges. En 1871, il abolit officiellement la hiérarchie instaurée par les shoguns ainsi que la discrimination contre la caste située en bas de la pyramide sociale. Les seigneurs doivent donc rendre leurs fiefs à l’empereur, les Samouraïs se font interdire le port du sabre et les clans militaires sont dissout. Ainsi Mutsuhito gouverne en souverain absolu et annonce ses premières mesures.
Une armée nationale est créée et le recrutement militaire est élargi puisque la circonscription est adoptée en 1875. Le service militaire est réformé et l’armée devient une armée de métier et non plus une armée basée sur les castes économiques. De plus, Mutsuhito se dote d’une flotte sur le modèle européen. L’armée et la flotte seront les véritables instruments de l’impérialisme japonais.
Sur le plan éducatif, l’enseignement devient obligatoire. Les écoles publiques sont établies et très vite, une nouvelle forme d’élite apparaît grâce à l’enseignement d’État très compétitif.
L’empereur Mutsuhito va également développer les moyens de transports et de communication. En 1874, la première ligne de chemin de fer reliant Tokyo à Yokohama est mise en service. D’autres lignes ferroviaires et des lignes télégraphiques suivront.
En 1871, le gouvernement de l’empereur crée le yen et met en place un système bancaire ainsi qu’un système fiscal fondé sur une réforme foncière. La nouvelle monnaie va faciliter les échanges commerciaux avec l’Occident, en particulier avec les États-Unis et l’Europe. La multiplication des échanges va d’abord permettre au Japon de satisfaire la demande intérieure croissante, puis de vendre des produits manufacturiers à l’étranger.
Enfin, l’empereur Mutsuhito remet à l’honneur la religion ancestrale du japon, le shintoïsme, en la promulguant religion d’état.. Il oblige par ailleurs une séparation entre shintoïstes et bouddhistes. Ces derniers, très influents sous le règne de la famille des Tokugawa doivent alors s’aligner sur les nouvelles valeurs nationales fondées sur le culte d’État.
Ces différentes réformes, adoptées par l’empereur, amènent donc le Japon à moderniser son industrie, son économie, son agriculture et ses échanges commerciaux.
Les emprunts à l’occident
On ira chercher à travers le monde la connaissance afin de renforcer les fondements de la règle impériale.
Charte des 5 articles
Ce dernier article de la Charte des 5 articles annonce le désir d’occidentalisation du Japon. Par là, l’empereur Mutsuhito définit sa politique culturelle. Il signe des accords avec les puissances européennes et transforme son pays suivant le modèle occidental. En effet, il accueille savants et techniciens du monde entier et emprunte aux occidentaux ce qu’il estime bon. A titre d’exemple, l’empereur instaure une armée directement inspirée du modèle allemand. Assimilant rapidement les modes et les savoirs occidentaux, tout en sachant les adapter à ses propres compétences, le Japon entre dans la modernité et rattrape son retard économique sur l’Occident. Les traditions japonaises, l’éducation et la littérature en seront largement bouleversées.
La nouvelle constitution de 1889
Mutsuhito gouverne en souverain absolu de 1868 à 1889. En effet, en 1889, l’empereur introduit une Constitution qui établit un régime parlementaire composé d’une assemblée de deux Chambres, modèle politique directement inspiré de l’Angleterre. Cependant, ce nouveau gouvernement est responsable devant l’empereur et Mutsuhito conserve donc les rênes du pouvoir. Il s’entoure d’un cercle de conseillers appelé Genrô. Sous la direction de cette oligarchie, le Japon va réellement se transformer en une véritable puissance industrielle. Une fois la politique intérieure bien ancrée, les objectifs de la politique extérieure japonaise ne vont pas tarder à apparaître.
L’expansion territoriale
En Avril 1868, l’Empereur Meiji promulgue le « Serment en 5 articles« . C’est le coup d’envoi d’une vague de réformes profondes visant à rattraper le retard du pays sur les pays occidentaux. Le monarque proclame peu après une nouvelle ère Meiji (du « Gouvernement éclairé »), qui va correspondre au temps de son règne, Meiji lui servant aussi de nom posthume après sa mort.
Il transfère également la capitale impériale de Kyoto à Edo, en 1868, prenant alors pour nom Tokyo (Capitale de l’Est), où l’ancien château shogunal devient sa résidence. Il institue, quelques années plus tard,un conseil des Anciens (Genrô) qui promulgue les premières réformes : création d’une armée nationale basée sur la conscription, modernisation de la marine de guerre, instruction obligatoire, développement de l’industrie et des moyens de communications. Dés 1885, la démocratisation apparente du Japon est en place : création d’un gouvernement de type occidental,d’un Parlement et deux ans plus tard, rédaction de la première Constitution du pays.
L’industrialisation du Japon est rapidement utilisée. Dès 1894, l’empereur Mutsuhito débute l’expansion territoriale de son pays et s’engage dans une série de guerres. La guerre sino-japonaise (1894-1895) est une véritable victoire militaire du Japon. Les succès militaires se poursuivent avec l’annexion de Formose en 1895. De même, la Russie qui convoitait la Corée et la Mandchourie est battue à Port-Arthur le 2 janvier 1905. La Russie cède le sud de Sakhaline au Japon. La victoire japonaise sur la Russie retentit dans le monde entier et confère ainsi au Japon son rôle de première puissance non occidentale. Enfin, le Japon annexe la Corée en 1910. A la veille de la première guerre mondiale, le Japon est donc reconnu comme véritable puissance militaire. La politique impériale de Mutsuhito est un succès.
La mort de l’empereur Meiji – Le début de l’ère Taisho (1912 – 1926)
L’empereur Mutsuhito meurt le 30 juillet 1912 et prend alors le nom prestigieux de Meiji. A sa mort, le Japon a rattrapé les grandes nations occidentales et constitue une nouvelle grande puissance mondiale. Le pays aura subit une révolution politique, sociale et industrielle. L’empereur Meiji a donc réussi sa « restauration ». Cette période est une source de fierté pour les Japonais puisqu’elle a permis au Japon de devenir une véritable puissance du Pacifique et surtout un acteur mondial majeur.
L’empereur Meiji a profondément marqué les mémoires et est encore aujourd’hui très honoré. Un sanctuaire Shinto, le sanctuaire Meiji Jingû, fut construit entre 1915 et 1920 et lui fut entièrement dédié.
2. Tenno, le fils du ciel
L’Empereur, au Japon, est considéré comme un « Dieu vivant », étant le descendant des Kami, les divinités tutélaires du Japon.
Toute la vie sociale japonaise s’est structurée au fil des siècles autour du Kami no Michi (ultérieurement nommé Shinto), la « voie des Dieux », et de la parole des Kami, Kototama, l’ancien nom de l’archipel nippon étant « Kototama no sakiwau kuni« , c’est-à-dire littéralement « le pays où fleurit Kototama« …
A la tête de l’état se trouve donc le Tenno, dont la supériorité politique est relative, mais qui concentre en sa personne, de par son ascendance divine et sacrée, la totalité des forces « kamiques », à commencer par celle d’Amaterasu no Kami. Le Tenno est l’état lui-même et le centre, l’axis mundi du cérémonial shintoïste et de la cour, à valeur magique et propitiatoire. Il est par excellence le rex sacrorum, le personnage sacré et inaccessible au commun des mortels par lequel s’effectue le lien entre le Ciel et la Terre.
L’empereur Mutsuhito et le shintoïsme impérial
Si le mouvement de purification shintoïste commença au XVIIIe siècle, il fallut attendre l’Empereur Mutsuhito pour en voir les conclusions. C’est en effet en 1868 que la séparation du bouddhisme et du shintô fut promulguée par un décret du Dajôkan (Grand Conseil). En fait, la « réforme Meilji » se présente, au niveau religieux, comme une réelle révolution (au sens latin du terme, de revolutio, de revolvere, « retourner », si bien qu’il signifie beaucoup plus un « retour vers le passé » que la négation de ce passé), rétablissant pleinement l’autorité sacrée et sacrale du Tennô, aussi bien dans le domaine spirituel que dans celui du politique, et ce, non seulement pour enrayer une menace intérieure (l’orientation anti-nationaliste).
La première anthologie poétique est apparue au Japon au IXeme siècle : la première du genre se nomme Man’yóshu. On distingue traditionnellement deux types de poésie : la poésie chinoise (kanshi) et la poésie japonaise (waka).
Dans la poésie japonaise, Waka est le terme générique pour désigner un poème court répondant à certaines règles concernant le nombre de versets et le nombre de syllabes par verset.
Dans la poésie Waka on distingue :
Les Tanka (« chanson brève ») consistant en 5 vers de 5, 7, 5, 7, 7 syllabes. Les tanka donnèrent naissance aux haiku, 3 vers de 5, 7, 5 syllabes et aux ageku, 2 vers de 7, 7 syllabes. Les vers du tanka sont répartis en kaminoku (la première moitié qui est composée des vers de cinq, sept et cinq syllabes) et shimonoku (la dernière moitié composée des vers de sept et sept syllabes)
Les Chôka sont des poésies longues sans limite au niveau du nombre de versets. Les versets sont composés de deux vers de 5 et 7 syllabes.
Les Sedôka consistant en 6 vers de 5, 7, 7, 5, 7, 7 syllabes. (Le Sedôka n’est plus utilisé de nos jours).
Les Katauta consistant en 3 vers de 5, 7, 7 syllabes. (Le Katauta n’est plus utilisé de nos jours).
Les poèmes écrits par l’empereur Meiji sont des Tanka : au cours de sa vie, il en a écrit plus de 100 000 : le legs du Tenno (le « fils du Ciel ») aux Porteurs du principe de Kototama…
L’esprit japonais est naturellement empreint de poésie, et le Waka (avec le Haiku) en est l’une des représentations les plus signifiantes : la structure très particulière des Tanka (31 syllabes, réparties selon le séquençage : 5 – 7 – 5 – 7 – 7) est particulièrement connue dans la pratique de Kototama, puisqu’ils constituent selon cette tradition de véritables accumulateurs énergétiques : 31, le nombre de syllabes du Tanka, est le nombre relié dans le Shinto au rythme des saisons, à ce qui se passe sur terre. Esotériquement, ce nombre représente l’énergie contenue dans la matière, qui peut être utilisée par l’homme. L’enseignement du Kototama explique de quelle façon cette énergie peut être libérée par la prononciation d’un 32eme son pur, le son caché, qui agit en tant « qu’instruction libératoire », transformant dans l’instant le mode des fréquences cérébrales (passage d’ondes béta en ondes alpha), et libérant un puissant flot d’énergie utilisable par le pratiquant.
Meiji Tenno a donc « encodé » dans les milliers de Tanka qu’il a rédigés une formidable puissance énergétique, pouvant être utilisée par les transmetteurs du principe de Kototama qui possèdent la clef du 32eme son.
Le simple chant des Tanka place directement le pratiquant dans un état de centrage intérieur, propice à la méditation, raison pour laquelle Usui Sensei recommandait cette pratique : « Le Dr Usui les utilisait dans ses rencontres Reiki pour aider ses étudiants à se concentrer sur l’essentiel (…)Les poèmes ont été écrits par l’Empereur Meiji en vieux japonais » précisent Franck Arjava Petter et Chetna Cobayashi (in « La Quintessence du Reiki » déjà cité).
Cependant, il convient de garder à l’esprit que le principe agissant des Waka réside entièrement dans les sons qui les composent, sachant que chaque syllabe a été soigneusement choisie par Meiji Tenno, non pour son sens, mais pour le son pur dont elle est porteuse. Ainsi, chaque Waka est une habile mosaïque sonore, dont le sens poétique littéral est la facette visible, et les sons qui le composent la clef cachée. On comprend ainsi que traduire les Waka en anglais ou en français entraîne la perte irrémédiable de l’énergie transmise par les sons qui les composaient originellement.
C’est la raison pour laquelle les enseignants en Onsei-Dō, selon l’antique principe de Kototama transmettent uniquement la forme japonaise des Waka, et offrent cette pratique, guidée par le « kiai » du 32eme son libérateur…