O Sensei,
le grand enseignant
Prime jeunesse (1883-1900)
Moriheï Ueshiba est né le 14 décembre 1883 dans le village de Tanabe, près de chutes d’eau considérées comme sacrées, et nommées « Nachi ». Cette région est profondément immergée dans le mysticisme Shinto, le bouddhisme ésotérique, et les légendes du passé.
Par l’intermédiaire de ses parents, Moriheï fut dès son plus jeune âge confronté à la fois aux beaux arts (sa mère s’intéressait à la peinture, à la calligraphie, à la littérature et à la religion), et aux arts martiaux (par son père).
Moriheï était le quatrième enfant et le fils aîné de Yoroku Ueshiba, un fermier aisé qui possédait deux hectares de bonne terre. Son père était une personne très respectée dans la communauté locale et siégea dans le conseil du village durant vingt ans, sa mère, Yuki Itokawa, venait d’une famille de propriétaires terriens d’ascendance noble.
Quand il eut atteint ses sept ans, Morihei fut envoyé à Jizodera, un temple bouddhiste Shingon Mikkyo (littéralement « l’enseignement secret du monde véritable »), où il apprit à chanter les mantras sacrés, et fut initié au bouddhisme ésotérique.
La branche Shingon Mikkyo fut fondée par le Saint Bouddhiste Kobo-Daishi (774-835), également nommé Kukai.
Il se passionna immédiatement pour les contes merveilleux, les récits de miracle du moine bouddhiste Kobo Daishi le Vénérable. Dès cette époque, il commença à faire régulièrement certains rêves.
Le Shingon Mykkyo rencontra le chamanisme naturel : il en résulta le Shugendo, une religion montagnarde et ascétique, qui unit ce bouddhisme ésotérique au Shintô. Ueshiba Senseï écrivit plus tard à ce sujet :
« Le bouddhisme ésotérique de Kukai, bien qu’incomparablement plus complexe et évolué que le Shintô, présente avec ce dernier un grand nombre de points communs. Parmi ceux-ci, l’idée de l’unité de l’homme et de la nature en la croyance et l’efficacité magique du mot (shingon chez le premier, kototama chez le second). Il était donc naturel qu’un jour le bouddhisme ésotérique s’associe étroitement au Shinto.«
Le Shingon offrit au jeune Moriheï sa première introduction au Kototama en tant que pratique spirituelle. Il aimait chanter les incantations Shingon (les mots-âmes), et y montrait tant d’aptitudes que sa mère pensa qu’il lui fallait devenir moine. Mais son père, qui s’inquiétait de cette propension trop marquée pour le monde de l’esprit et pour le mysticisme, le poussa vers des exercices physiques et lui enseigna le sumo et la natation, préférant qu’il renforce sa santé fragile.
Morihei obtint son diplôme de l’Ecole Primaire Supérieure et fut admis au tout nouveau Cours Moyen de la Préfecture de Tanabe à l’âge de 13 ans. Il dut quitter cette école avant d’en avoir le diplôme, mais obtint cependant la possibilité d’entrer à l’institut Abacus de Yoshida où il acheva ses études. Peu de temps après, il trouvait un travail à l’office des impôts de Tanabe, Service des Revenus Fonciers.
Budho, creuset de l’aïkido (1900 – 1919)
En 1902, Moriheï rejoint un mouvement populaire qui protestait contre la nouvelle législation sur la pêche et finit par démissionner de l’administration. Il monte alors à Tokyo dans le but de prendre son départ dans les affaires et travaille quelque temps comme employé dans le district commercial de Nihombashi puis ouvre son propre magasin : Etablissements UESHIBA, librairie et papeterie scolaire.
A Tokyo, il passe ses soirées à étudier les anciennes techniques de Ju Jitsu, en particulier celles de l’école Kito, sous la direction du Maître Tozawa. Parallèlement, il pratique le Ken-Jutsu (sabre) dans un dojo de Shinkage Ryu (école Shinkage). La même année, une terrible crise de béribéri le terrasse et le contraint à quitter Tokyo pour se réfugier à Tanabe.
Peu après son retour, il épousa Hatsu Itokawa (née en 1881) qu’il connaissait depuis son enfance.
Après être tombé malade, il décide de se forger un corps neuf et solide. Il s’astreint à un entraînement dur et progressif basé sur la condition physique et la force pure. Bien que de petite taille (1,54 m), il était beaucoup plus fort que la moyenne. Mais, la seule force physique ne le satisfaisant pas, il se rendit à Sakai, afin d’y étudier le sabre de l’école Goto du Yagyu-ryu jujutsu sous la conduite de Maître Masakatsu Nakai.
En 1903, il rejoint le 37eme régiment d’infanterie de Wakayama. Très vite, il devint le premier en tous genres d’exercices et plus particulièrement en Juken Jutsu (combat à la baïonnette). Il part pour le front de Manchourie en 1906 (guerre Russo-japonaise). Son tempérament et son talent déjà exceptionnel le distinguent : on le surnomme « Le dieu des Soldats » pour sa détermination au travail, son honnêteté… et son habileté à la baïonnette. L’année suivante, lorsque la guerre russo-japonaise éclate, il est envoyé au front comme caporal et revient avec le grade de sergent pour son courage au combat.
Il retourna à Tanabe en 1907, pour travailler dans la ferme familiale. Il participe beaucoup à la vie du village et devient notamment le dirigeant d’une association locale pour la jeunesse. Par ailleurs, son père avait profité d’une visite du judoka Kiyoichi Tagaki à Tanabe pour le convaincre d’enseigner le judo Kodokan à Moriheï et n’avait pas hésité pour cela à transformer une grange en dojo. Morihei n’en continuait pas moins à se rendre assidûment au dojo de Sakai où il ne tarda pas à recevoir le diplôme de l’Ecole Goto en 1910.
Les trois années suivantes, il se fixe à Tanabe et se plonge dans toutes sortes d’activités. En 1910, alors que sa fille ainée Matsuko vient de naître, il commence à s’intéresser de très près à un projet d’établissement d’une colonie dans l’île septentrionale d’Hokkaido et plus précisément à ses structures gouvernementales. Il ne se contentera pas de l’aspect théorique.
Très tôt il fait appel à des volontaires de son association, constitue un groupe de colons et se retrouve rapidement à la tête d’un ensemble de cinquante quatre familles ( un peu plus de quatre-vingt personnes) qu’on appela le groupe Kishu. En mars 1912, il quittent tous Tanabe pour se rendre à Hokkaido où ils arrivent au mois de mao et s’établissent sur un emplacement que Moriheï avait reconnu et choisi au cours d’un voyage préparatoire, au lieu dit de Shirataki, près du village de Yobetsu.
Cet endroit était encore inculte et les arrivants eurent à lutter contre des conditions atmosphériques épouvantables et durent faire face à d’énorme difficultés pour fonder dans un lieu si sauvage le village qui porte encore le nom de … Shirataki.
Le groupe Kishu, opiniâtre, réussit à mener à bien de nombreux projets, envers et contre tout : cultiver de la menthe, élever des chevaux, se lancer dans l’industrie laitière, développer l’exploitation du bois de construction… rien ne les arrêta. Morihei se démena pour assurer les succès de cet établissement qui lui tenait tant à coeur. Il est directement à l’origine de nombreuse entreprises ambitieuses comme la construction d’une rue marchande à Shirataki, l’amélioration des conditions de logement, la création d’une école.
En février 1915, il rencontre au cours d’un voyage le grand Maître de l’école Daito-ryu Jujitsu, Sokaku Takeda, dans une auberge à Engaru où il était lui-même de passage. Ce dernier décida de lui enseigner les techniques secrètes de Daitoryu, et, après que Moriheï se fût entraîné intensivement avec lui, il lui donna son certificat de Daito-Ryu jujutsu.
Dès son retour, O Senseï ouvre un dojo et invite le Maître Takeda. Il lui construit une maison et s’occupe totalement de lui, perfectionnant sa propre technique, jour après jour…
Grâce à l’expension de l’exploitation du bois, Shirataki devint vite une petite ville prospère. Le 23 mai 1917, hélas, le village fut totalement détruit par un gigantesque incendie.
Le printemps suivant, Moriheï – qui avait été élu membre du conseil du village – fut entièrement pris par la reconstruction de Shirataki. En juillet de la même année naissait son fils aîné Takamori.
Les années de mûrissement, la rencontre avec son maître (1919 – 1925)
A la mi-novembre 1919 (à 36 ans) Moriheï Ueshiba abandonne Hokkaido pour retourner à Tanabe, afin d’aller voir son père, gravement malade.
Au cours de ce voyage, il fit un détour par Ayabe, où il rencontra le grand chaman Onisaburo Deguchi, célèbre pour son chikon kishin ( technique de méditation, du divin).
Enthousiasmé par l’approche spirituelle de Deguchi, Morihei Ueshiba s’attarda à Ayabe pendant plusieurs jours. Pour lui cette rencontre était capitale car il avait conscience que s’il maîtrisait la force et la technique, son énergie spirituelle restait fragile et chancelante, à la moindre épreuve psychologique.
Morihei resta aux côtés de Deguchi Senseï jusqu’au 28 décembre. A la demande qu’il lui fit de prier pour son père, Onisaburo répondit : « Votre père est très bien comme il est… « . Ces mots firent une impression profonde sur Moriheï…
Yoroku Ueshiba décéda le 2 Janvier 1920 à l’âge de 76 ans, pendant que Moriheï était à Ayabe..
Peiné par la disparition de son père, et après quelques mois passés à méditer, Moriheï Ueshiba décida, en dépit des fortes objections de sa mère et de son épouse, de déménager à Ayabe et de rejoindre l’O-moto-Kyo.
Sa relation avec Deguchi (jusqu’ à la mort de ce dernier, en 1948), permit à Moriheï d’étudier les enseignements Shinto du passé et le Kototama en profondeur.
L’année 1920 sera une année sombre pour Moriheï Ueshiba : au cours de cette même année, il verra naître, puis mourir son second fils, Kuniharu, puis son premier fils, Takemori, tous deux emportés par la même maladie. Son troisième fils, Kisshomaru naîtra en 1921, puis la mère d’O Senseï décède à son tour en 1922… Cette même année, Moriheï reçoit le certificat de « kyoji dairi » (professeur assistant) de Takeda Senseï.
Au cours de l’année 1923, l’enseignement dispensé à l’Académie Ueshiba fut bientôt reconnu et le bruit courut qu’il y avait là, à Ayabe, un maître exceptionnel en arts martiaux. Le nombre d’adeptes de l’Omoto-Kyo qui venait s’entraîner augmenta régulièrement et les soldats de la proche base marine de Maizuru s’y intéressèrent à leur tour.
Les deux années suivantes, Morihei tenta d’aider Onisaburo, qui avait été arrêté, puis remis en liberté sous caution, en raison des libertés trop importantes qu’il prenait par rapport au Shinto traditionnel, à reconstruire l’O-moto-Kyo.
Il prit la charge de neuf cents tsubo de terre environ dans le pays de Tennodaira, qu’il exploita tout en continuant à enseigner à l’Académie Ueshiba. De cette façon, il donnait à sa vie la parfaite cohérence qu’il recherchait. Il avait toujours été persuadé de l’intimité profonde entre les arts martiaux et la culture du sol et ce sentiment proche de son coeur ne le quitta jamais.
A partir de cette période, la pratique des arts martiaux chez Morihei devint plus intensément spirituelle et il s’absorba de plus en plus dans l’étude du Kototama. Cela le conduisit à s’éloigner peu à peu des traditions du Yagyu-ryu et du Daito-ryu jujutsu, et à développer une approche personnelle qui faisait de la technique l’application dans le monde visible des principes divins.
Il brisait les barrières entre l’esprit, l’âme et le corps.
En 1922, cette synthèse fut nommée Aiki-bujutsu et connue du public comme le Ueshiba-ryu Aiki-bujutsu.
Moriheï Ueshiba considérait l’aïki-bujutsu comme la matérialisation vivante d’une prière pour la santé, l’harmonie et la prospérité du monde. Il disait que la voie de l’Aiki (Aiki-Do) permettait de se réaliser, tout en laissant derrière soi toutes les théories et tous les concepts :
L’aikido n’est pas né de la religion. Le vrai takemusubi aïki brille devant nous comme un phare puissant ; il illumine la religion et guide les enseignements du passé, partiaux, imparfaits et temporaires, vers leur plénitude. Les plus religieux des guides d’aujourd’hui ne donnent aucune méthode d’accomplissement ou de réalisation de leurs idéaux. Ils n’ont donc aucun moyen de mesurer leur propre compréhension. Nous ne pouvons plus mettre nos vies entre les mains du Christ, de Bouddha ou de Confucius. L’âge des prophéties, des philosophies, est terminé. Nous vivons maintenant l’époque de la véritable mise en œuvre. Chaque personne doit devenir le dieu du centre (Ame no Mi Naka Nushi). Ce chemin est la réalité du Ciel vide, de l’existence totale. Nous ne sommes pas seulement l’esprit divisé d’un seul Dieu. Tous les dieux de l’univers sont nos esprits protecteurs.
Moriheï Ueshiba
1924 est une date décisive dans la vie de Morihei et l’aventure cruciale qu’il vécut cette année là conditionna beaucoup de choses dans son développement intérieur. Le 13 février, fidèle à lui-même, il quitte secrètement Ayabe en compagnie de Onisaburo Deguchi. Ils partent vers la Mandchourie et la Mongolie à la recherche de leur monde, un lieu sanctifié où ils pourraient établir un Etat nouveau guidé par des préceptes religieux et par la lumière de l’Esprit. Le 15, ils arrivent à Mukden où ils rencontrent Lu Chang K’uei, un puissant seigneur de guerre mandchou. Moriheï porte alors le nom chinois de Wang Shou Kao. Ensemble, ils conduisent l’armée autonome du nord-ouest (connue aussi comme l’armée indépendante de Mongolie ) à l’intérieur du pays. Cependant leur expédition était vouée à l’échec dès le début, car ils étaient les victimes d’un complot tissé par un autre chef militaire soucieux de son pouvoir, Chang Tso Lin, et, lorsqu’ils atteignent, le 20 juin, le Baian Dalai, les troupes chinoises prévenues sont là pour les arrêter. Morihei et Onisaburo et quatre autre personnes furent condamnées à mort. Le destin voulut qu’au moment où il devaient être exécutés, un membre du consulat japonais intervint, réussit à obtenir leur libération et s’occupa de leur retour au Japon.
Moriehi essaya ensuite alors de reprendre son mode de vie précédent, partagé entre son enseignement à l’Académie Ueshiba et le travail à la ferme Tennodaira. Il s’intéressa aussi au So-jutsu (technique de la lance) et continuait son entraînement intensif au sabre et au jujutsu. Mais il avait subi une profonde mutation intérieure. Il avait été marqué par ses expérience face à la mort, notamment sous le feu au front, et avait, découvert pendant ces moments particulièrement intenses qu’il pouvait distinctement percevoir des éclairs lumineux sur la trajectoire que devaient emprunter les balles.
La connaissance de cette formidable capacité intuitive fut une expérience fondamentale pour Morihei. A son retour au Japon, les manifestations de cette force spirituelle apparurent bientôt en de multiples occasions.
C’est à cette époque qu’il comprit que le vrai Budo n’est pas de vaincre un adversaire par la force mais de garder la paix en ce monde, d’accepter et de favoriser l’épanouissement de tous les êtres. Si la recherche spirituelle est présente dans tous les arts martiaux japonais, jamais personne ne l’avait approfondie jusqu’à englober en son sein l’amour de l’humanité.
L’éveil (1925)
Au printemps de l’année 1925, Morihei (alors âgé de 41 ans) rencontre un officier de marine, maître de Kendo, qui le défie. Il accepte et gagne sans, pour ainsi dire, avoir eu à combattre ; il avait pu visualiser la trajectoire des coups avant que le sabre en bois de l’officier n’ait eut la possibilité de le toucher.
Tout de suite après ce duel, il alla se rafraîchir près d’un puits où il eut un sentiment de grande paix et de grande sérénité. Il lui parut soudain qu’il baignait dans un nimbre de lumière dorée descendue du ciel. Son corps et son esprit devenaient de l’or. Cette expérience intense et unique fut sa Révélation personnelle, son Satori.
A cet instant, tout lui devint clair. Il comprit le lien qui l’unissait à l’univers, il comprit un par un les autres principes philosophiques sur les quels l’aïkido est fondé. C’est de ce jour qu’il estima devoir désigner son enseignement sous le nom de aïki-budo plutôt que aïki-bujutsu.
O Senseï raconte son ressenti pendant ce Satori :
« Soudain, il me sembla que le ciel descendait. De la terre, surgit comme une fontaine d’énergie dorée. Cette chaude énergie m’encercla, et mon corps et mon esprit devinrent très légers et très clairs. Je pouvais même comprendre le chant des petits oiseaux autour de moi. A cet instant, je pouvais comprendre que le travail de toute ma vie dans le Budo était réellement fondé sur l’amour divin et sur les lois de la création. Je ne pus retenir mes larmes, et pleurai sans retenue. Depuis ce jour, j’ai su que cette grande Terre elle-même est ma maison et mon foyer. Le soleil, la lune et les étoiles m’appartiennent. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais ressenti aucun attachement envers la propriété et les possessions. »
Cette expérience vient avant tout d’une fusion de la volonté individuelle à l’esprit universel. O Senseï disait :
Lorsque vous vous courbez devant l’univers, il se courbe devant vous ;
lorsque vous appelez à l’extérieur le nom de Dieu, il fait écho au fond de vous
Il disait également :
L’aïkido est une méthode de fusion avec Kototama, l’esprit de l’univers.
Aïkido, les années de l’enseignement (1925 – 1968)
En 1926, le nom de Ueshiba commençait à être connu et d’éminents Budokas ainsi que d’importantes personnalités du monde politique ou militaire lui rendent visite.
Moriheï Ueshiba déménage en 1927 à Tokyo avec sa famille, et commence à enseigner la « Voie de l’Harmonisation avec l’Energie de Vie » (traduction littérale du mot Aïkido…) à Shiba Shirogane.
En 1931, il ouvre le Centre Kobukan à Wakamatsu-cho, Shinjuku, site actuel du quartier général de l’Aïkido mondial.
En 1940, la fondation Aikikai est officiellement reconnue par le gouvernement japonais. 1942 sera l’année où celui que l’on commence à appeler O Senseï nomme définitvement son art martial : Aïkido.
Aï : Harmonie ; Ki : Energie de vie ; Do : Voie.
C’est au cours de cette même année que son fils Kisshomaru est nommé à la tête de la fondation Kobukai.
Vers le milieu des années 30, Morihei était devenu célèbre. Plus encore que par sa maîtrise dans les divers arts martiaux japonais, il attire l’attention du public par sa conception originale de l’union de l’esprit, de la pensée et du corps qu’il tente de mettre en application dans son école. Pendant cette période, Morihei travaille intensément le kendo au dojo Kobukan, et Nakakura qui deviendra son gendre en 1932. En septembre 1939, Morihei est invité en Mandchourie pour faire une démonstration publique. Il y combat l’ancien lutteur sumo Tenryu et le cloue au sol d’un seul doigt.
Morihei continua par la suite ses visites en Mandchourie, même après le début de la guerre du pacifique, acceptant un rôle de consultant dans diverses institutions, comme l’Université Kenkoku avec laquelle il est particulièrement lié.
Il fit son dernier voyage en Mandchourie en 1942, sur l’invitation de l’Association des grands arts martiaux, lors de la célébration du dixième anniversaire de la création de l’état de Mandchoukouo…
Ce jour là, il effectua sa démonstration en présence même de l’empeureur Pu’Yi.
Pendant les années de guerre, Maître Ueshiba se retira à Iwama, à 120 kilomètres de Tokyo, où se trouve actuellement le sanctuaire de l’Aïkido (Aïki Jin Ja). En 1946, les Américains ayant interdit la pratique de tous les arts martiaux au Japon, le dojo de Tokyo fut fermé, jusqu’en 1948, date à laquelle il prit le nom d’Aïkikaï. L’Aïkido fut le premier art martial qui reçut l’autorisation de reprendre la pratique en raison de sa tendance pacifiste.
A partir de 1948, l’Aïkido commence à connaître une forte croissance auprès des pratiquants japonais, et les premiers pratiquants étrangers commencent à venir recevoir l’enseignement du Maître et de son fils à la fondation Aikikaï.
Dès lors, le nombre des élèves ne fit qu’augmenter et c’est à cette époque que naquit vraiment la forme moderne de l’Aïkido.
Dès les années 50, Maître Ueshiba, âgé de 67 ans, laissera de plus en plus le soin de l’enseignement à son fils et à ses meilleurs disciples, dont certains émigreront à l’étranger, répandant ainsi l’Aïkido à travers le monde (dont Masahilo Nakazono).
Le journal « Aïkido » parait pour la première fois en 1959, tandis qu’O Senseï reçoit la médaille honorifique Shiju Hosho en 1960. La construction du nouveau Dojo du quartier général de l’Aïkido est entreprise en 1967, aidée par la ville de Tokyo, qui reconnaît l’Ecole d’Aïkido fondée par Moriheï Ueshiba. La même année, O Senseï, alors âgé de 84 ans (!) donnera sa dernière démonstration en public, à l’occasion de l’inauguration du nouveau Dojo. Cette démonstration, qui a été filmée, témoigne de l’incroyable vigueur et de l’absolu maîtrise du Maître, à l’apogée de son art…
Le grand départ (1969)
Après quarante années passées à enseigner inlassablement son art, l’Aïkido, O Senseï mourut le 26 avril 1969, laissant à ses élèves son rêve d’un monde qui, grâce à la pratique de l’Aïkido, ressemblerait un jour à une paisible famille. Ce même jour, le gouvernement japonais lui décerna l’Ordre de Trésor Sacré , le plus élevé des honneurs, pour avoir créé l’Aïkido.
Ses cendres furent enterrées dans le temple de la famille Ueshiba à Tanabe,et les mèches de ses cheveux furent conservées comme reliques sur l’autel Aïki à Iwama, au cimetière familial de Ayabe et grand autel Kumano.
O Senseï, par l’éveil qu’il connût et par ses qualités de coeur, ouvrit une nouvelle voie vers la conscience de l’Unité, accessible à tous, par la pratique du mouvement (Aïkido), et du son (Kototama).
Son fils et certains de ses élèves, devinrent à leur tour des Maîtres d’Aïkido, et son art est aujourd’hui connu et représenté dans le monde entier. Néanmoins, les sources spirituelles de l’Aïkido, que sont l’ O-moto-Kyo et le Kototama, ne furent transmises qu’à un nombre infime de ses élèves, ceux que cette dimension plus subtile intéressait…
Son fils, Kisshomaru Ueshiba devint, après sa mort, le Doshu de l’Aïkikaï, et poursuivit la tâche entreprise par son père, jusqu’à son décès, à l’âge de 77 ans, le 4 janvier 1999.
C’est le petit-fils de O Senseï, fils de Kisshomaru, Moriteru Ueshiba, qui vient d’être élu par le conseil de l’Aïkikaï au rang de Doshu, et qui en assume donc les responsabilités.
L’Aïkido d’O Senseï est un arbre dont les racines plongent dans la spiritualité de l’O-moto-Kyo et du Kototama, et dont les branches sont aujourd’hui multiples, et dispersées quant à leurs orientations… De multiples styles ont vu le jour, certains s’orientant vers un aspect beaucoup plus sportif que martial, ceci donnant lieu à de nombreuses cissions au sein des fédérations… Comme dans tout domaine, lorsque le fondateur disparaît, la diversité des personnalités de ses différents disciples ne peut qu’entraîner une prolifération de l’interprétation donnée à l’enseignement originel…